27.2.06

Qu'est-ce qu'un bistrot?


That is the question.

En somme, un bistrot, c'est un peu un café, un peu un restaurant, un troquet quoi.
Ce serait un bouchon ou un mâchon, s'il était typé lyonnais, ou une brasserie s'il était typé alsacien, mais il est sans folklore ni attaches géographiques régionales : émanant de la capitale, il synthétise toutes les provinces et toutes les grandes migrations, dont il sert la cuisine dans sa version familiale.

Pas de folklore au bistrot ? Et les nappes à damier rouge et blanc, les grands miroirs encadrés, les banquettes avec des chaises en vis-à-vis, les plats et les vins détaillés à la craie sur une ardoise, sans parler du carrelage en triangles irréguliers : c'est quoi, sinon du folklore? Et bien, ce sont des renvois facultatifs vers l'archétype bistrotal, l'Ur-bistrot qui fait rempart contre la peur que les nouvelles formes de convivialité ne nous deviennent méconnaissables. Un peu de ces renvois, c'est chaleureux, c'est la continuité avec tous ces bistrots où on a eu du bon temps. Trop et c'est la mort, le recroquevillement, le temps auquel on demande de s'arrêter de peur de ne pas aimer la suite. Sûr qu'on ne l'aimera pas si on ne l'invente pas.

Pareil en cuisine. Le bistrot est le produit de toutes les "montées à Paris", celles des Auvergnats qui venaient parfois à pied de St-Chély ou de St-Flour, en ne chaussant leurs sabots gardés tout beaux pour la ville qu'à l'arrivée, celles des Italiens, des Espagnols, des Algériens, des Marocains et des Africains souvent cachés en cuisine dans nos bistrots, sans qu'apparaissent de tiep boudjène à la carte. A l'arrivée, les cuisines paysannes se mêlent aux anciennetés bistrotiques. Du citron confit dans la tartiflette ? La recette a été testée pour le Bistrot de Christine et elle est concluante. Bientôt un message avec des détails de réalisation de la tagiflette. J'imagine un vin jaune et doux dessus : il faudra encore que je consulte l'oenologue du bistrot à ce sujet. J'ai aussi un magret de canard au sirop de grenade en préparation : le coin-coin du Sud-Ouest avec des réminiscences des arbres de vie des kilims d'Anatolie... est-ce que ces associations peuvent avoir une traduction gustative? Bah, avec un verre de joli Morgon, sûr que ça passera !




Illustrations : les images de bistrots sont de mon artiste de cousine Marie van Vollenhoven. Vous voyez ici un de ces médiums d'expression favoris : le crayonnage sur le motif au dos d'un sous-bock. Elle a plus de 700 sous-bocks illustrés chez elle. Sacrée dessinatrice, et pilier de bistrot !
L'assiette est une photo de la divine soupe de Ramadan de ma copine Marie.

21.2.06

Vendredi c'est mon anniversaire et je voudrais...

... de mes amis et de ma famille un beau cadeau.

Racontez-moi s'il vous plaît un bistrot que vous aimez, ou une recette que vous aimez faire. Les deux si vous ne voulez pas choisir.

All languages welcome.

Le premier qui répond gagne un pot de rillettes et un pot de confiture de potimarrons aux fruits secs. Sauf si c'est Michel. S'il est quand même le premier, alors le deuxième aura les pots promis, expédition comprise (à moins que Michel ait tout mangé d'ici là).

Le dessin du joli petit lot est est de Jack Reubsaet, un dessinateur invité dans le numéro spécial de Bink consacré à la Saint Valentin. Bink paraît toutes les deux ou trois semaines et est la revue d'art de Marie van Vollenhoven.

MERCI

Christine

20.2.06

Chers livres de cuisine


D'abord "Le petit Larousse de la cuisine": le vieux sage toujours consulté. Maman a toujours eu son gros "Joy of Cooking", moi c'est le Larousse. Son guacamole satisfait même Marie, mexicaine, cordon-bleu, perfectionniste, et néanmoins très chère amie. Ce weekend, il m'a appris le far breton que j'avais jusqu'ici considéré comme la province intouchable d'une autre Marie, bretonne, sacrée pâtissière, et néanmoins très chère belle-soeur. Celui de Marie est meilleur? Qu'elle nous en fasse et on en recause.

"The complete Middle-East Cookbook" de Tess Mallos (Parkway): ahhhhh... Cette dame, une Australienne nostalgique de la Grèce d'où ont émigré ses parents, a fait un livre hallucinant sur la cuisine grecque. La Grèce, dans sa géographie mentale occupe le tiers de tout le Moyen-Orient, ou en tous cas le tiers de son livre. Il est toutefois délectable aussi pour tout le reste du pourtour de la Méditerranée, dans le sens des aiguilles d'une montre, jusqu'à la Lybie. Le moussakhan (délicieux plat paysan de Palestine: du poulet tout rouge de sumac acidulé, cuit à l'étouffée dans un pain fin comme du papier, débordant d'huile d'olive et d'oignons) est comme à Jéricho. Les moules farcies et les beureks ont l'air splendides, mais je me suis jusqu'ici contentée de celles d'une mamie arménienne qui sait y faire. Je fais en revanche souvent la soupe de lentilles corail au "loumia", poudre de citron séché qui vient d'Iran. Hélas, elle ne donne pas le truc pour faire des feuilles de vigne farcies aussi bonnes que les vraies de vraies, roulées sous la tonnelle au printemps, toutes petites, super tassées, bien citronnées et complètement fondantes. Moi, je sais les manger, mais les faire, ma sh'allah, ça ne donne jamais tout à fait ça. Il ne faut pas tout chercher dans les livres, aussi!

"La cuisine de mes bistrots" de Guy Savoy (Hachette): un peu chichi à mon goût, mais il y a par exemple la purée de potiron à la crème et au parmesan; celle-là, qu'est-ce que je l'ai faite! On fait cuire les morceaux de potiron et quand ils se défont, on les écrase, puis on met plein de crème fleurette et de parmesan gratté, du sel, du poivre, et hop, on gratine un petit coup.

"Les légumes de mon moulin" de Roger Vergé (Flammarion), très chouette, surtout pour le tian et le truc dingue pour cuire l'aubergine (on la tranche dans la longueur et on met les tranches à sécher au four une demi-heure avant de les mettre dans le tian). Mais ce n'est pas la saison. Ce serait bien celle des endives au lait d'amandes douces...

Après, ce ne sont plus des livres de cuisine, mais ça reste du papier qui habite dans la cuisine.

Il y a "Régal", un magazine culinaire bimestriel, un cran au-dessus des autres. J'ai fait du verjus en fin d'automne en Beaujolais, après le numéro d'octobre-novembre (il a fallu faire un raid sur les vignes et prendre tout le raisin vert qui restait après les vendanges), des tas de choses aux agrumes après celui de décembre-janvier, et plusieurs fois du chou farci depuis la sortie de janvier-février. Mars arrive: youpie!

Et puis le "Campapier": le gentil bulletin paroissial que nous recevons chaque mardi avec nos panier de fruits et de légumes du Campanier. En plus d'un petit mot de la semaine, on a des recettes. De quoi ne pas se retrouver comme une poule devant un clou avec le kilo de topinambours qu'il leur arrive de nous fourguer.

Enfin, "La cuisine de maître Keu" (d'un petit éditeur courageux, l'Archange Minotaure). Ce n'est pas un livre de recettes mais un livre de haïkus de nourriture. Un haïku de maître Keu (alias Jean-Michel Cornu)? Voici.

Longue est la cuisson
de la daube au cidre
Mijote
Mijote

Un autre encore, d'intérêt général:

Au fromage trop coulant
j'ai déclaré
sois mon compagnon de combat

Le plus sensuel??? Troublant, certainement:

Tous les mouvements du désir
dans le tremblotement du flan
sous la langue

À la prochaine!

18.2.06

Se faire faire la cuisine

Ma toute petite fille adore touiller dans les pots et la casseroles avec moi. Elle est fière comme tout de ce qu'elle a préparé et clame haut et fort "c'est moi qui l'ait fait" ("avec maman" -- plus bas). Aussi suis-je étonnée que bien souvent cette bonne fourchette pinaille avec la nourriture qu'on a faite ensemble. Et ça me rappelle cette dame, la mère d'une amie, qui picore à tous les repas chez elle, parce qu'elle n'a pas d'appétit pour ce qu'elle a fait mijoter. Moi, au contraire, ça m'amuse et me met en appétit de tendre vers l'autarcie alimentaire: les repas entièrement faits maison, si possible pain, yaourts, etc. compris. Mais je vois bien qu'il y a un truc dans ce déplaisir de manger ce qui a été fait de ses propres mains. Ma fille aime ce qui lui est servi quand ça tombe du ciel. Comme elle est toute petite et que je me souviens du temps de ses tétées, je sais bien pourquoi.
Au bistrot, on est obligé de casquer, ce qui casse un peu l'analogie nourrissonne, entre autres détails. Mais quand même, je suis sûre qu'il y a un lien entre ma fille, ou cette dame, qui chipotent leurs propres plats, et le plaisir qu'on a à se voir poser devant soi une assiettée fumante au troquet. Pas vrai?

P.S. La photo a été prise au cafézoïde.

15.2.06

Suivre les règles


Voici un article de chef Simon édifiant, avec des photos d'horribles bacilles qui pullulent dans la cuisine d'un traiteur renommé (pas chez lui, of course). Il critique l'application bête et méchante des règles HACCP, pourtant draconiennes: en voici la philosophie. Elle ne le cède en rien en schémas étourdissants, en sigles anglophones et en définitions aux philosophes contemporains que je connais!
Bref, on peut tenir une cuisine sale en suivant les règles, et sans doute l'avoir propre en suivant d'autres règles que les règles officielles. Peut-être même est-il possible d'avoir une cuisine propre tout en suivant les règles officielles, même si ça semble être, pour le coup, un art complexe.

14.2.06

La tartine du jour

En ce moment, je suis dans la boulange et la charcuterie. Je me suis lancée depuis un mois dans la cuisson du pain de notre ménage, et je suis passée, après deux pains à la levure, à la confection de mon levain, puis à celle de grosses tourtes de pain au levain... un miracle de la panification maison. Je ne saurais trop recommander cette aventure de la création ex nihilo, ou plutôt à partir d'eau et de farine complète, d'un organisme qui glougloutte dans le fond d'un pot et parfume d'une petite odeur aigrelette, carrément sûre quand il a faim de sa pitance de farine complète, un coin d'étagère de votre cuisine. Et ce pain! Je connais peu de boulangers qui font un aussi bon pain que le pain au levain maison. Le pain maison à la levure reste, lui, en-deçà des bons pains de la boulange du commerce.

Quant à la charcuterie, il s'agit pour le moment des rillettes, de porc en l'occurrence. Je me suis lancée dans leur confection en tablant sur une recette qui me promettait, à la différence des autres, un temps de cuisson de 4 heures au lieu des 8 à 10 longues et chères heures trouvées sur les autres sites culinaires sur les rillettes. Promesse de Gascon: pour que la fibre des viandes se défasse et qu'on ait l'aspect orthodoxe de la rillette, plutôt que du bain de gras avec des bouchées de viande racornies qui y flottent, il faut hélas bien 8 à 10 bonnes heures de mijotage à très douce température.

Nota bene: j'ai tiré mes recettes de levain et pain au levain et de rillettes des admirables sites et blogs de passionnés. j'ai compulsé à peu près tous ceux que j'ai trouvés sur le net et en ai tiré ce qu'il me fallait. Voici mes préférés:

-pour le pain au levain: sur fairesonpain et aussi cette recette-ci
Les photos y sont très utiles la première fois qu'on fait son pain.
Je précise que je n'ai aucun matériel spécifique, contrairement à la plupart des boulangers sérieux de ces sites. Mais j'avoue que je ne convoite en rien une machine à pain. J'adore pétrir à la main, et le quart d'heure de rigueur passe si vite qu'il fait vite 30 minutes sans que je m'en sois aperçue. Je n'ai pas de "banneton", dans lequel on fait lever la pâte lors de la deuxième levée. J'utilise une passoire à nouilles avec un torchon bien fariné dedans, et c'est parfait.
Encore une précision: j'ai utilisé mon levain pour une pâte à crêpes au levain, et j'ai obtenu les meilleures crêpes jamais confectionnées dans ma crêpière, pourtant souvent sollicitée. Des crêpes non pas couleur vanille clair avec des taches brunes dessus, mais dorées comme des soleils... je cherche à retrouver les vers de Maurice Carême qu'on me faisait apprendre à la petite école, et où, je m'en souviens, il est question de ces crêpes dorées que l'on fait sauter. Impossible de les trouver sur le net, mais je crois que ma maman s'en souvient. Je lui demanderai. Les crêpes au levain, en tous cas, c'est tout à fait ça! J'ai pris ma recette chez Adelirose
Quant à la pizza au levain, c'est très chouette aussi: je n'ai rien trouvé sur le net mais j'ai compris qu'une pâte à pizza, au fond, c'est une pâte à pain après la première levée, qu'on écrase pour bien chasser les bulles d'air (le pointage), et qu'on utilise tout de suite au lieu de la laisser regonfler trois heures ou plus, comme le pain.

-pour les rillettes: sur toquentête

Au revoir; je file faire un cours... sur Kant. Oui, cela me plaît aussi, mais j'ai tellement envie de brasser du client, de la cuisine et littéralement de mettre la main à la pâte! Ces plaisirs-là sont certes autres que ceux du professorat.

Bienvenue "chez Christine", mon bistrot en devenir

Je compte ici vous livrer mes recettes et autres récits, dire les rencontres avec des gens sachant s'attabler devant un bon morceau, boire de bonnes trouvailles peu chères, avec ceux qui seront désireux de faire vivre avec moi cet endroit plein de bouquins, de revues, de journaux et visité à l'occasion par la chanson, la musique, un rien de spectacle pour faire palpiter le lieu, pour le plaisir et pour l'art suprême du BON MOMENT, tout seul avec une tartine de rillettes maison, un bock, un bouquin et la musique, ou avec son amour autour d'un verre de rouge fort et profond, ou avec les amis et une boutanche de Morgon... et les gosses au goûter, chocolat chaud, madeleines, tartines de mes confitures et maison en pain d'épice.