Le bistrot des deux chaises
Aujourd'hui j'ai déjeuné avec mon cher ancien prof de philo de Terminale et lui ai raconté que j'allais quitter le métier pour ouvrir un bistrot. J'appréhendais un peu de ne pas avoir sa bénédiction, forcément. Il a fermé les yeux, froncé violemment le nez et plissé longuement tout le visage, comme il faisait pour réfléchir à un problème ardu à notre grande joie de lycéens rigolards - ça doit encore réjouir ses élèves d'aujourd'hui. Et puis est venue une histoire, celle du bistrot voisin de celui où nous déjeunions.
Le gérant de ce bistrot s'est un jour tiré avec la caisse, les meubles, alcools, vaisselle, bref, tout ce qui n'était pas solidement arrimé aux murs. Le gérant parti, c'est le proprio qui a rouvert pour ne pas couler complètement. À part qu'il avait investi ses sous dans un bar, il n'avait rien voir avec la limonaderie, le proprio. Il était philosophe et travaillait comme directeur de collection aux éditions des Belles-Lettres. Des bouquins avec des textes en grec ou en latin et la traduction en vis-à-vis. Cicéron, Platon, Aristote, Sophocle et tout le bataclan. Les dinosaures (like me) qui ont connu ça sur les bancs des écoles reconnaîtront leurs souffrances. Les autres imagineront.
Donc cet éditeur philosophe proprio fauché a tenu quelque temps un bistrot qui fut le nec plus ultra du zen, par la force des choses: deux chaises et de quoi faire des cafés. Point. Pas de musique, pas de petits plats, pas de rien du tout. Mais... de la conversation et, si j'en crois mon prof, une sacrée boudiou d'conversation mémorable.
Voilà mon histoire de bistrot pour aujourd'hui. Non... ce ne sera pas mon modèle, ce bistrot des deux chaises. Mais je l'ai eue, ma bénédiction.
2 Comments:
J'aime bien ton histoire, il devait etre agreable ce cafe, malgre sa nudite. Bravo pour la benediction.
Superbe ton histoire, et j'aime bien les 2 chaises ...
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